Notions d'économie marxiste: 3 - Les crises du capitalisme (1)

NOTIONS D'ECONOMIE MARXISTE

 

Chapitre 3 : Les crises et le fonctionnement du capitalisme contemporain

Introduction

Le capitalisme est un mode de production fondamentalement contradictoire et dont le fonctionnement passe par différentes étapes. La phase néolibérale aujourd'hui et une phase d'instabilité, où la plupart de ces contradictions apparaissent de façon particulièrement claire.

I - :  Rappel théorique : les cycles et les crises du capitalisme

A/ Les lois de l'accumulation capitaliste et les crises

Cf. aussi fin du Chapitre 2 - L' exploitation capitaliste

1) Les contradictions inhérentes au capitalisme

  • a) Elles découlent des lois d'accumulation et de reproduction mêmes du capital.

Il s'agit d'un système qui se caractérise par un essor des forces productives, sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

La concurrence entre capitaux privés aboutit à une tendance permanente à l'accumulation du capital, qui bouleverse en permanence les méthodes de production et les produits eux-mêmes : chaque capitaliste tend à investir sans cesse, soit pour augmenter ses capacités de production, soit pour améliorer sa productivité (machines plus performantes).

Deux contradictions centrales en découlent :

-Tendance à la suraccumulation : ce qui est gagné en productivité se paie d'une augmentation de l'avance en capital par poste de travail, ce que Marx appelait la composition organique du capital. Trop de capital est accumulé pour pouvoir être rentabilisé au même niveau qu'avant.

-Tendance à la surproduction : on produit trop de marchandises par rapport à ce que le marché peut absorber.

2) Des crises récurrentes

a) Le capitalisme est donc un système par nature déséquilibré et dont le fonctionnement est irrégulier :

- En raison de la concurrence, on a en permanence un risque de déséquilibre entre les deux grandes « sections » de l'économie : celle qui produit les moyens de production (biens d'investissement, énergie, matières premières, etc.) et celle qui produit les biens de consommation.

- La source principale de ce déséquilibre est la lutte de classes : le capitalisme a besoin de profit, bien sûr, mais il faut aussi que les marchandises soient effectivement vendues, de manière à empocher réellement ce profit, à le « réaliser ». Or les deux nécessités sont contradictoires : en faisant pression sur la valeur de la force de travail (les salaires) pour augmenter son taux de plus-value, les capitalistes compromettent la croissance de débouchés pour les marchandises.

b) Les crises du capitalisme

Les crises pour le capitalisme présentent deux aspects simultanés :

-Elles sont la manifestation à certains moments des contradictions qui lui sont inhérentes.

-Elles constituent en même temps dans leurs manifestations (faillites, chômage, chute de la croissance) les mécanismes que le capitalisme met en oeuvre pour surmonter ces contradictions : restaurer les taux de profit, créer les conditions de réalisation de la plus-value.

B/ Les ondes longues du capitalisme

La trajectoire du capitalisme est donc soumise à deux sortes de mouvement qui n'ont pas la même ampleur.

- le cycle du capital qui conduit à la succession régulière de booms et de récessions (cycles courts)

- une succession de phases historiques longues marquées par des crises profondes

En effet le capitalisme a une histoire, et la succession des crises le fait passer par différentes étapes historiques, marquées par des caractéristiques spécifiques. A la suite de plusieurs économistes qui préféreront parler de cycles longs (Kondratieff, Schumpeter), E. Mandel analyse cette périodisation par la théorie des ondes longues du capitalisme.

Tableau de la succession des ondes longues

                                        Phase expansive                                            Phase récessive

1ère onde longue :             1789-1816                                                       1816-1847

2ème onde longue :            1848-1873                                                      1873-1896

3ème onde longue :            1896-1919                                                      1919-1945

4ème onde longue :            1940/45-1968/73 Les « Trente Glorieuses »       1968/1973- ? La « Crise »

Caractéristiques des ondes longues et ordres productifs

1) Les caractéristiques de ces ondes longues

a) L'alternance de phases expansives et de phases récessives n'est pas une succession régulière et mécanique.

b) Les retournements (à la hausse et à la baisse) ne sont pas symétriques :

-Le passage de la phase expansive à la phase dépressive est « endogène » : il résulte du jeu des mécanismes internes du système.

-Le passage de la phase dépressive à la phase expansive est au contraire exogène, non automatique, et suppose une reconfiguration de l'environnement social et institutionnel, la reconstitution d'un nouvel « ordre productif » : (rapport de forces capital-travail, degré de socialisation, conditions de travail, etc.)

c) Les facteurs du retournement : on voit intervenir des facteurs technologiques (vagues d'innovations), le mouvements du taux de profit : mais aucun n'est suffisant. Mandel envisageait notamment la nécessité pour le Capital d'imposer une défaite d'ampleur à la classe ouvrière, comme dans les années 1930.

2) La notion d'ordre productif

Mise en avant notamment par Dockès et Rosier

Ordre productif : modalités de son fonctionnement périodiquement mises en place par le capitalisme et qui répondent de manière cohérente aux nécessités de l'accumulation et de la reproduction. Combine quatre éléments :

-un mode d'accumulation du capital qui règle les modalités de la concurrence entre capitaux et du rapport capital-travail ;

-un type de forces productives matérielles (technologies) ;

-un mode de régulation sociale : droit du travail, protection sociale, etc. ;

-un type de division internationale du travail.

C/ Une périodisation depuis la Seconde Guerre Mondiale

La comparaison entre gains de productivité, croissance, profit et accumulation, donne une idée de ces différentes étapes.

1) Les « Trente glorieuses » et la phase d'expansion du capitalisme 1945-1968/73

a) Dans les pays industrialisés croissance moyenne annuelle rapide : du PIB de 5 %, de la productivité de 4 %

En Amérique Latine (et dans certains grands pays du Tiers-monde), modèles de développement autocentrés qui permettent le maintien de taux de croissance annuels de 6 ou 7%.

Comparaison entre profit et accumulation:

Profit, accumulation et croissance augmentent parallèlement durant les années 1960, mais on assiste à un ralentissement des gains de productivité à partir des années 1960.

b) Progrès du rapport de forces en faveur de la classe ouvrière dans les pays industrialisés: augmentation du pouvoir d'achat de la grande masse des salariés, extension des systèmes de protection sociale, des services publics, politiques favorables à l'emploi, et avancées en matière d'éducation et de santé publique.

c) Recul des prérogatives et des revenus des propriétaires du capital

- Contexte : La première hégémonie de la finance culmina dans la crise de 1929. Dans le cadre du New Deal aux Etats-Unis, le secteur financier est encadré par un système de réglementation.

- Après-guerre, faiblesse des taux d'intérêt réels, avec l'inflation, aboutit un énorme transfert en faveur des entreprises endettées (au détriment des créanciers).

- Réduction de la concentration des revenus : années 1960, 1 % des ménages les plus riches des Etats-Unis possédait 35 % de la richesse totale de ce pays. En 1976, ce pourcentage était tombé à 22 %.

2) La récession généralisée et le tournant vers le néo-libéralisme 1973-1983

Période de bouleversements à différents niveaux qui préparent le basculement des rapports de force.

a) Contexte international

Désagrégation de l'ordre financier et monétaire international défini après la Seconde Guerre mondiale :

- La crise du dollar. En 1971, les Etats-Unis, qui ont un déficit de leur balance commerciale pour lapremière fois par rapport à l'Europe et au Japon, suspendent la convertibilité du dollar par rapport à l'or afin de pouvoir le dévaluer. On a ainsi deux éléments clefs de l'ordre néolibéral :

- la flexibilité des taux de change

- la libre mobilité des capitaux.

b) Contexte théorique

Augmentation de l'influence du libéralisme économique et du monétarisme* [ Monétarisme : Doctrine économique du courant néoclassique qui considère 1) que l'inflation est le mal absolu à combattre dans l'économie. 2) que les causes de l'inflation sont uniquement monétaires et qu'il faut la combattre en limitant la quantité de monnaie en circulation, par l'augmentation des taux d'intérêt. ] dans les années 1970.

c) Crise structurelle des années 1970

Comparaison entre profit et accumulation : A partir du début des années 1970, diminution des taux de croissance du PIB, des gains de productivité, des taux de profit et de l'accumulation, jusqu'en 1982-83 On assiste aussi à une hausse du chômage, un emballement de l'inflation.

d) Cet ensemble suscite un changement des politiques économiques entre 1979 et 1983.

3) Une phase d'instabilité

Depuis 1983

a) Comparaison entre profit et accumulation :

Reprise de l'augmentation des taux de profits, beaucoup plus rapide que l'accumulation et la croissance (très instables), et que la productivité (qui stagne).

b) Deux cycles de 10 ans avec des reprises (à la fin des années 1980 puis 1990) :

Cependant, un repérage des obstacles à l'accumulation permet de comprendre pourquoi la reprise de la fin des années 1990 était de nature cyclique et ne préfigurait pas une nouvelle phase d'expansion soutenue.

II - :  Les principales caractéristiques du néo-libéralisme

A/ Le néo-libéralisme = phase actuelle du capitalisme

Néolibéralisme : étape du capitalisme, caractérisée par le renforcement du pouvoir et du revenu des propriétaires du capital et de la finance*. [ Finance : le terme finance désigne ici la fraction supérieure de la classe capitaliste et "ses" institutions financières. (Il ne s'agit pas d'opposer un capital financier qui serait distinct d'un capital productif.) (Duménil Lévy) ]

Cette évolution se combine à un autre processus ancien, celui de la mondialisation dont il a défini de nouvelles formes et se combien à d'autres transformations, sur les plans de la gestion de la force de travail, de l'ordre mondial, etc.

Cf. Chapitre 4 - La mondialisation libérale

1) La signification du « tournant monétariste » début des années 1980, ses effets

a) Le « coup de force » de 1979

Octobre 1979 : décision de la banque centrale des Etats-Unis, la Réserve Fédérale, d'augmenter lestaux d'intérêt (conformément aux prescriptions monétaristes*).

Conséquences : augmentation de la charge de la dette (y compris du Tiers-monde), rapport de force en faveur des créanciers et des détenteurs du capital, attraction de capitaux mondiaux en direction des Etats-Unis.

b) Modification des rapports de force entre classes et fractions de classes, à replacer dans un ensemble de mécanismes économiques.

Politiques de baisses massives des impôts.

Reconcentration des revenus : au cours de la décennie 1990, 1 % des ménages les plus riches des Etats-Unis possédait 38 % de la richesse totale de ce pays (rappel : 22 % en 1976).

c) Tentatives pour imposer des défaites majeures au mouvements ouvrier : premier acte de l'affirmation du néolibéralisme au Royaume Uni et aux Etats-Unis a été la répression de vastes mouvements de grève (mineurs, contrôleurs aériens). Moins évident en Europe continentale et surtout en France : mouvement ouvrier sur la défensive jusqu'en 1995, succession de défaites partielles mais pas de défaite majeure, et maintien d'une forte conflictualité (infirmières, cheminots...) jusqu'à aujourd'hui.

2) Une évolution des modes de gestion de la force de travail

a) Augmentation importante des taux d'exploitation : plus value relative et parfois absolue.

Blocage des salaires, recul de la protection sociale,

Augmentation du chômage et de la précarité, armée de réserve industrielle.* [Armée de réserve industrielleTendance permanente du capitalisme : la concurrence incite les capitaliste à sans cesse substituer d u capital au travail ; et à rejeter els travailleurs en excédent par rapport aux besoins de la production dans le chômages ou la précarité, exerçant ainsi une pression sur le taux d'exploitation des travailleurs employés. « Plus la richesse sociale est grande..., plus est grande la surpopulation relative ou l'armée de réserve industrielle. Mais plus cette armée de réserve est grande par rapport à l'armée active du travail et plus massive est la surpopulation permanente, ces couches d'ouvriers dont la misère est en proportion inverse de la peine de leur travail. (...) Telle est la loi générale, absolue de l'accumulation capitaliste. » (Marx, Le Capital, Tome 3)]

b) Retour sur les acquis sociaux des salariés depuis la Libération.

Le patronat voudrait ramener la force de travail elle-même à un statut de pure marchandise. La «refondation sociale » du Medef exprime bien cette ambition de n'avoir à payer le salarié qu'au moment où il travaille pour le patron, ce qui signifie réduire au minimum et reporter sur les finances publiques les éléments de salaire socialisé, remarchandiser les retraites, et faire disparaître la notion même de durée légale du temps de travail.

c) Conséquence : augmentation des taux de profit depuis 1983

2) Mondialisation, déréglementation et hyper-concurrence

Cf. Chapitre 4 - La mondialisation libérale

La mondialisation contemporaine

Processus de constitution systématique d'un marché mondial est mené dans le but de constituer un espace de valorisation homogène avec une unification des normes technologiques et de rentabilité. Mais Persistance de différentiels de productivité entre les différentes régions, qui y font obstacle. Cela conduit :

-à des effets d'éviction : élimination potentielle de tout travail qui n'atteint pas les normes de rentabilité les plus élevées (notamment au Nord)

-à des situations de dualisme : fractionnement des pays entre deux grands secteurs, l'un intégré au marché mondial, l'autre tenu à l'écart (notamment au Sud).

B/ Contradictions de l'ordre néolibéral

1) Contradiction entre l'extraction et la réalisation de la plus-value, non résolue.

a) Augmentation des taux de profit sans surcroît d'accumulation

Rétablissement du taux de profit depuis 1985, au moins jusqu'en 1997. Mais n'entraîne pas les autres variables, particulièrement l'accumulation (et donc la croissance) ou seulement de manière transitoire.

Taux de profit : dépend du taux d'exploitation (PL/V) et de la composition organique du capital (c)

PL/C+V= (PL/V)/c+1

[ Rappel : Composition organique du capital c = C/V soit le Rapport du capital constant sur le capital variable, autrement dit le rapport entre le travail vivant et le travail mort (qui dépend notamment des choix technologiques).]

Le rôle de la productivité du travail [ Rappel : Productivité du travail = production/quantité de travail utilisée. La productivité augmente lorsque pour un même temps de travail, on produit plus ou bien si moins de travail est nécessaire pour produire la même quantité de biens]

Mais ces deux dernières grandeurs ne sont pas séparables, puisque l'une et l'autre dépendent de la productivité du travail. On a une double détermination :

- le taux d'exploitation dépend de l'évolution relative du salaire et de la productivité du travail (plus-value relative)

- l'efficacité du capital dépend de l'évolution relative du capital par tête (c et de la productivité du travail.

La courbe du taux de profit dépend donc de l'évolution relative de trois grandeurs, qui sont le salaire réel, la productivité du travail (produit par tête) et la composition du capital (capital par tête).

Cette analyse de la productivité est donc centrale, parce que c'est seulement sa croissance plus soutenue qui pourrait permettre d'envisager un nouveau mode de croissance reposant notamment sur un niveau plus élevé de taux de profit.

Ce point de vue implique aussi que le rétablissement du taux de profit peut revêtir une signification différente selon qu'il est obtenu par un blocage salarial, par un regain de productivité ou par un ralentissement de la substitution capital-travail.

On a donc la résolution d'une seule des deux contradictions du capitalisme : restauration des taux de profit mais pas réalisation de la plus-value (débouchés).

Décalage social entre besoins et taux de profit

Contradiction entre exigences profits et la forme, la nature de ces débouchés. Ils doivent correspondre aux secteurs susceptibles, grâce aux gains de productivité induits, de rendre compatible une croissance soutenue avec un taux de profit maintenu. Or

-Limites de taille et de dynamisme de ces nouveaux débouchés. Multiplication de biens innovants n'a pas suffit à constituer un nouveau marché d'une taille aussi considérable que la filière automobile, qui entraînait non seulement l'industrie automobile mais les services d'entretien et lesinfrastructures routières et urbaines.

-Adéquation entre secteurs susceptibles de maintenir le taux de profits, et secteurs susceptibles de garantir une progression des débouchés, est constamment remise en cause par l'évolution des besoins sociaux.

Déplacement d'une grande partie de la demande sociale, des biens manufacturés vers les services (logements, santé préventive, garde d'enfants, soins à la personne...), à faible potentiel en productivité qui correspondent mal aux exigences de l'accumulation du capital.

L'enlisement du capitalisme dans une phase dépressive résulte donc d'un écart croissant entre la transformation des besoins sociaux et le mode capitaliste de reconnaissance, et de satisfaction, de ces besoins. (cf plus bas).

L'inégalité de la répartition au profit de couches sociales aisées (au niveau mondial également) représente alors, jusqu'à un certain point, une issue à la question de la réalisation du profit. Mais limité par définition.

2) La marchandise contre les besoins

Le capitalisme néo-libéral se caractérise donc par la croissance des inégalités, la non-satisfaction des besoins sociaux et une tendance à la marchandisation généralisée : projet systématique, voire dogmatique, de transformer en marchandises ce qui ne l'est pas ou ne devrait pas l'être.

La condition dans ce cadre pour la réponse à des besoins vitaux pour l'humanité est de les faire passer sous les fourches caudines de la marchandise et du profit.

Exemples :

On y retrouve un certain nombre d'axes de luttes sociales à travers le monde et de luttes du mouvement altermondialiste

- le sida : Principe intangible est de vendre les médicaments au prix qui rentabilise leur capital, et tant pis si ce prix n'est abordable que par une minorité des personnes concernées. C'est bien la loi de la valeur qui s'applique ici, avec son efficacité propre, qui n'est pas de soigner le maximum de malades mais de rentabiliser le capital investi.

- lutte contre l'effet de serre. Là encore, les puissances capitalistes (groupes industriels et gouvernements) refusent le moindre pas vers une solution rationnelle qui serait la planification énergétique à l'échelle planétaire. Ils cherchent des succédanés qui ont pour nom « éco-taxe » ou « droits à polluer ». Il s'agit pour eux de faire rentrer la gestion de ce problème dans l'espace des outils marchands où, pour aller vite, on joue sur les coûts et les prix, au lieu de jouer sur les quantités. Il s'agit de créer de pseudo-marchandises et de pseudo-marchés, dont l'exemple le plus caricatural est le projet de marché des droits à polluer. C'est une pure absurdité qui ne résiste même pas aux contradictions inter-impérialiste, comme l'a montré la dénonciation unilatérale par les Etats-Unis de l'accord de Kyoto, pourtant bien timide.

- l'eau (ex Bolivie)

etc.

Pour la première fois le capitalisme apparaît à une échelle très large, et sur des problèmes majeurs et très concrets, comme un mode de reconnaissance et de satisfaction des besoins sociaux dépassé. Les luttes qui visent, non sans succès, à contrer ce principe d'efficacité ont un contenu anticapitaliste immédiat, puisque l'alternative est de financer la recherche sur fonds publics et ensuite de distribuer les médicaments en fonction du pouvoir d'achat des patients, y compris gratuitement. Quand les grands groupes pharmaceutiques s'opposent avec acharnement à la production et à la diffusion de génériques, c'est le statut de marchandises et c'est le statut de capital de leurs mises de fonds qu'ils défendent, avec une grande lucidité.

3) Financiarisation et instabilité croissante

Le gonflement de la finance et de la Bourse, sa fonctionnalité dans ce contexte : Il faut donc que le profit obtenu grâce au blocage des salaires soit redistribué vers d'autres couches sociales qui le consomment et se substituent ainsi à la consommation des salariés défaillante.

On a une rupture fondatrice de la norme salariale : la consommation des salariés n'est plus l'élément dynamique de la demande, et la reproduction d'ensemble nécessite une « troisième demande » alimentée par la distribution de revenus financiers.

4) Vers une nouvelle onde longue, une nouvelle phase d'expansion durable du capitalisme ?

a) Vers un nouveau compromis social institutionnalisé ?

Le capitalisme néolibéral ne peut survivre sans compromis.

-   Les bases :

- L'inégalité de la répartition au profit de couches sociales aisées (au niveau mondial également) représente, jusqu'à un certain point, une issue à la question de la réalisation du profit.

-  La finance a acheté la fraction supérieure des gestionnaires par d'énormes rémunérations (salaires et stock options).

-  Elle a établi un lien avec les classes moyennes, en leur donnant l'impression d'être associées à la prospérité capitaliste, à travers la détention de titres (notamment, aux Etats-Unis, grâce aux fonds de pension).

-   Les difficultés :

Ce compromis est fondamentalement instable.

- La progression d'une telle demande est par nature limitée et insuffisante

- Son caractère socialement régressif est générateur de chaos, notamment dans le Tiers-monde, et de résistances sociales massives (partout).

- Il a du mal à trouver une traduction institutionnelle (échec du TCE, panne de la construction de l'Europe libérale, difficultés de l'OMC).

Idée que le capitalisme a épuisé son caractère progressiste : sa reproduction passe dorénavant par une involution sociale généralisée.

b) Les éléments d'une crise systémique du capitalisme

Le capitalisme a perdu sa vocation d'extension en profondeur.

- La nécessité d'ouvrir de nouveaux débouchés mondiaux (chute du mur de Berlin, entrée de la Chine dans l'OMC) et de marchandiser de nouvelles sphères de l'activité humaine, est permanente, mais constituent une fuite en avant

- La structuration de l'économie mondiale tend à renforcer les mécanismes d'éviction en contraignant les pays du Sud à un impossible alignement sur des normes d'hyper-compétitivité.

- La relative réussite des Etats-Unis est fondée sur des mécanismes non exportables ne jette pas les bases d'un régime de croissance qui pourrait ensuite se renforcer en s'étendant au reste du monde. Au contraire elle a pour contrepartie une croissance lente en Europe et au Japon. Les rapports conflictuels entre les trois pôles dominants de l'économie mondiale sont conflictuels, et générateurs d'instabilité.

c) Une irrationalité, un mauvais fonctionnement du capitalisme ?

C'est ce que peut faire penser cette instabilité, ainsi que le titre de certains ouvrages critiques d'économistes keynésiens ou plus lucides que les autres : Quand le capitalisme perd la tête (Stiglitz), Le capitalisme en train de s'autodétruire ? (Artus). C'est aussi une idée qu'on trouve assez largement répandue dans le mouvement altermondaliste.

Cf aussi Cf. Chapitre 4 - La mondialisation libérale

Au contraire il est en voie de fonctionner selon sa logique et sa cohérence maximale, en éliminant tout ce qui lui a été imposé comme entraves au cours de la période précédente. Le capitalisme d'aujourd'hui tend à ressembler à son idéaltype et les difficultés qu'il affronte sont tout à fait classiques.

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